Le mandragore

Dans le règne végétale, le mandragore (Mandragora officinarum) est la plus connue des plantes magiques. Sa racine a une forme humaine et, selon la légende, lorsqu'on l'arrache, elle émet un son semblable à une plainte : ces caractéristiques sont probablement à l'origine de sa réputation, fort ancienne.
Les Romains pensaient qu'elle était habitée par un démon qui tuait tous ceux qui se hasarderaient à la cueillir.
Ils conseillaient par conséquent d'utiliser une méthode aussi particulière que cruelle, qui consistait à dessiner trois cercles sur la terre autour de la plante, en utilisant une branche de saule. 11 fal-lait ensuite lier la plante au cou d'un chien avec un fil noir solide, de sorte que le maléfice frappe cet animal innocent, qui, essayant de se libérer de cette prison insolite, arrachait d'un coup la plante.
Parmi les propriétés attribuées traditionnellement à cette plan-te, outre celle de favoriser un sommeil profond, on retiendra essentiellement toutes celles qui étaient liées à la sphère amou-reuse : la mandragore peut en effet être utilisée en guise d'aphrodisiaque ou d'amulette favorisant les rencontres amoureuses. Elle aurait, en outre, la vertu de combattre la stérilité. A ce propos, on connaît la comédie de Nicolas Machiavel, La Mandragore, qui raconte l'histoire de l'ingénu Messer Nicia et ses mésaventures amoureuses. Cet homme était marié avec une femme très belle et beaucoup plus jeune que lui, qu'il pensait stérile. Pour la guérir, il se laissa convaincre par Callimaco, un jeune homme intelligent et astucieux, secrètement amoureux de la femme, qui l'aimait en retour, d'administrer à l'épouse une potion à base de racines de mandragore. Callimaco réussit à convaincre le mari naïf que le premier homme ayant un rapport sexuel avec elle après qu'elle eut pris cette « potion magique » périrait à cause de la malédiction liée à la mandragore. Par ce stratagème, le jeune amoureux parvint à satisfaire son désir de s'unir à la femme de ses rêves, se moquant du pauvre époux berné. Les légendes nées autour de cette racine mettent en évidence aussi bien ses caracté-ristiques positives (notamment celles, déjà citées, d'apporter le sommeil ou de stimuler la sexualité) que certains aspects négatifs.
Pour certains, en effet, la mandragore serait née du sperme émis par le pendu au moment de sa mort. D'autres, en revanche, se référant à la tradition romaine, mettaient en garde contre le pouvoir du démon qui, selon eux, habitait cette plante.

Lorsque la Sainte Inquisition interdit les pratiques magiques, cette racine devint l'apanage exclusif de la magie noire et des sorcières qui l'utilisaient pour la préparation d'onguents leur permettant de participer aux sabbats (réunion de sorcellerie). Cette utilisation était liée, en grande partie, à une caractéristique réelle de la mandragore qui contient certains principes chimiques actifs induisant un état altéré de conscience, très semblable à l'hypnose. De nos jours encore, on attribue un grand pouvoir à la mandragore surtout pour ce qui concerne la protection contre l'envie et les maléfices. Aujourd'hui, cette racine est considérée comme une amulette puissante, mais elle est très difficile à trouver et très chère. II existe donc dans le commerce des « racines de mandragore synthétiques », très semblables de par leurs formes aux véritables, mais qui n'ont aucun pouvoir réel.