Quelle importance accorder aux mondes imaginaires ?

Foison d’impressions, d’images et de sensations ; coexistence de croyances et de pensées, panaché de vécu et d’expérience ; le tout incroyablement entremêlé ; l’imaginaire, c’est le jardin secret de tout à chacun.

Qu’est-ce un monde imaginaire ?

Chez certaines personnes, l’imaginaire fonctionne autour d’un socle durable, un monde créé de toutes pièces. Il se présente comme une reproduction fidèle, presque à l’identique, du monde dans lequel nous vivons, mais, dans ce cas, seul son créateur est juge. Pourtant l’acte de création a lieu à son insu. Brutalement, un jour son esprit est brouillé par des images curieuses. Peu à peu, il se les approprie. Libre alors à lui de créer civilisations et contrées en les faisant évoluer - au gré de son humeur - sur une ou plusieurs planètes. « Voilà trente-cinq ans, je me trouvais sur une plage du Mexique, raconte un créateur de monde imaginaire. Alors que la lumière du jour se mourrait lentement, une étrange pensée a pris de sursaut mon esprit. Je me trouvais brutalement confronté à une autre planète. Depuis elle ne me quitte plus, inlassablement présente dans mes nuits, parcourant mes songes, bousculant ma concentration, me condamnant même à une certaine marginalité. Longtemps je me suis dit que j’étais malade. Sans remède possible, de guerre lasse, je laissai faire, devenant moi-même l’instigateur des mutations de cette planète. J’ai alors créé des peuplades, des pays, construit des villes. Je façonnais également des personnages dans lesquels je prospérais moi-même. » Il conclut enfin : «Parfois, je ne me comprends pas. Pourquoi je passe tellement de temps à penser à ce qui ressemble à une lubie ? »

Le créateur d’un monde imaginaire le modèle à sa guise et ce, sans limite apparente. Dans ces univers, dominent des valeurs nullement réductibles à un habeas corpus tant la matière et l’homme sont imbriqués. Ce sont des mondes en gestation. Tantôt fleurit un climat de violence, tantôt se déploient paix et silence. Dans ces mondes, vie et mort ne sont pas toujours séparables. L’on peut-être vivant et mort en même temps.

Ces mondes imaginaires sollicitent journellement l’espace mental de leurs créateurs, pour certains, depuis longtemps. Un homme a déclaré en être sujet depuis plus de cinquante ans. « En l’espace d’un demi siècle, précise-t-il, j’ai vu défiler dix milles années de vie d’un autre monde tout en ignorant où il se trouvait. Peut-être nulle part ! » Les bouleversements des mondes imaginaires peuvent être longs ou rapides. Tantôt des civilisations disparaissent du jour au lendemain, tantôt le temps s’écoule sans que rien ne se passe.

La force d'un monde imaginaire, c’est l’imperium de son créateur. Ce dernier peut se fondre dans une multitude de personnages, renaître mille fois de ses cendres jusqu’à sa propre mort. En somme, il agit à la manière d’un Dieu, bravant le temps, chevauchant les siècles, revenant en arrière, construisant, détruisant. De surcroît, il légifère à sa convenance. « Je n’avais absolument aucune connaissance juridique, remarque un créateur, mais comme mon monde se perdait dans la guerre, je me suis plongé dans un livre de Droit International. J’ai alors introduit des règles élémentaires afin que mes compagnons d’outre monde puissent vivre mieux, sans plus trop guerroyer. »

Quelle importance donner aux mondes imaginaires ?

D’un trait de plume, haussant les épaules, psychiatres et psychologues y verront immédiatement l’existence de névroses mentales liées à un problème aigue de personnalité. Fuyant une réalité par trop sombre, peut-être sans issue, l’individu se recrée ainsi une légitimité existentielle. C’est pourquoi il crée un monde à sa mesure dont il est tout à la fois, l’animateur, le spectateur et l’acteur. Au besoin, il peut naître ou mourir, se transfigurer en des milliers de personnages, se jouer de l’âge. C’est une manière de répondre un non poli à notre monde dont il est vrai qu’il n’est pas toujours au dessus de tout soupçon et, pour beaucoup même, d’une effrayante pâleur.

Certes les mondes imaginaires commémorent le vécu et les expériences de chaque individu mais sont-ils pour autant le seul reflet d’un mal être ? Ce d’autant plus que les individus créateurs de monde ne présentent pas - pour la plupart - de troubles psychiques caractérisés ou de souffrance notable. Ce sont plutôt des personnes bien intégrées, à l’esprit ouvert, nullement prisonniers de lourdes difficultés personnelles. De surcroît, aucun n’appartient à des sectes, aucun n’est chevillé à des croyances discutables telle la réincarnation.

Pourquoi sont-ils rongés alors depuis tant d’années par leur monde imaginaire ? Pourquoi y pensent-ils chaque jour ? Il n’existe pas de réponse convaincante, tout au plus, de la suspicion ouvrant droit à une piste de réflexion. Les mondes imaginaires, c’est un peu comme les exo-planètes. Dans leur course, ces dernières chahutent presque imperceptiblement leur étoile. C’est ainsi qu’elles sont repérées. Les mondes imaginaires n’auraient-il pas aussi quelque effet de distorsion sur notre monde ? En outre, ne font-ils pas référence à un autre monde dont on aurait accès uniquement par ce biais ? N’existent-ils pas enfouis dans des dimensions cachées lesquelles ne seraient pas accessibles en l’état actuel des connaissances scientifiques ? Ne faut-il pas en tenir compte afin de lire les prochaines séquences de l’histoire ? En rassemblant les témoignages, par croisement et recoupement, peut être y trouverait-on matière à un gisement d’information majeur ? A tout le moins, un travail en profondeur mérite d’être engagé. En raison de leur nature complexe, les «mondes imaginaires» doivent être méthodiquement disséqués et analysés de telle manière à mieux comprendre l’homme et pourquoi pas aussi les dimensions cachées de l’univers, ces autres mondes ?